Histoire de la villa Daguerre

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Une résidence de villégiature

La propriété dite de Daguerre compte parmi les plus anciennes propriétés de la commune de Bry. Mentionnée dès le XVIIe siècle, elle a été utilisée pendant plusieurs siècles comme maison de campagne par des notables parisiens à la recherche de calme et de verdure à proximité de Paris. S’étendant sur près de deux hectares, elle se composait d’un vaste parc, d’une maison d’habitation et d’une dépendance servant d’écurie et surmontée d’un colombier. La propriété était idéalement construite face à la Marne, à proximité immédiate du bac de Bry (converti en pont en 1831), permettant ainsi de se rendre rapidement à Paris, en passant par Nogent-sur-Marne et le bois de Vincennes.

La maison de Louis Daguerre

En 1840, Louis Daguerre, l’inventeur du daguerréotype et du diorama, acheta la propriété et la maison et s’y installa. Son arrivée à Bry est intervenue l’année qui a suivi la divulgation publique du procédé du daguerréotype et l’incendie de sa salle spectacle parisienne, le Diorama (1839). Affecté par la perte de son Diorama, il se résolut à se fixer à la campagne pour prendre du repos tout en restant proche de Paris. C’est dans ce contexte qu’il fit l’acquisition de cette propriété et qu’il s’y retira, en pleine gloire, avec son épouse Louise Georgina Arrowsmith et la nièce orpheline de sa femme, Félicie Arrowsmith.

Dans la dépendance, il aménagea son atelier de peinture, avec un laboratoire pour ses expériences photographiques. Le colombier devint un belvédère qui lui offrait une vue remarquable sur le village de Bry. C’est depuis ce belvédère qu’il réalisa son daguerréotype représentant une vue de Bry-sur-Marne, aujourd’hui conservé par la Société Française de Photographie. Il redessina également le parc afin d’en améliorer la perspective. Il fit faire d’importants mouvements de terrain et créa un jardin d’inspiration romantique qui avait l’aspect d’une petite vallée suisse, d’après l’historien et ancien maire de Bry-sur-Marne Adrien Mentienne (1841-1927).

Dans sa maison de Bry, Daguerre poursuivit son activité de peintre, ainsi que ses recherches photographiques. Il y reçut des figures importantes du monde artistique et scientifique, notamment les deux frères Meade, photographes de New York, qui réalisèrent à Bry un célèbre portrait. Ce fut dans cette maison qu’il mourut, le 10 juillet 1851.

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Les sœurs de Sainte-Clotilde

Après la mort de Daguerre, sa veuve, Louise Georgina Arrowsmith, hérita des lieux. Par manque de ressources, elle fut contrainte en 1854 de céder la propriété aux sœurs de la congrégation de Sainte-Clotilde, qui y aménagèrent une maison de repos destinée aux religieuses âgées ou malades. La veuve de Daguerre se réserva toutefois la jouissance du bâtiment où Daguerre avait installé son atelier. Elle aménagea ici une habitation et fit détruire l’ancien colombier. Après sa mort, en 1857, les religieuses de Sainte-Clotilde prirent possession de l’intégralité de la propriété.

En 1870, la maison et sa dépendance furent cependant incendiées et en partie détruites dans le contexte de la bataille de Champigny (30 novembre-2 décembre 1870) et du siège de Paris par les Prussiens. La maison a été reconstruite après la guerre, mais dans un autre style. Seuls le perron et les caves de la maison qu’a connue Daguerre semblent avoir été conservés. Comme l’indique encore Adrien Mentienne, le parc aménagé par Daguerre a quant à lui été préservé par les religieuses pendant tout le temps où elles ont détenu la propriété.

La fondation Léopold Bellan

En 1907, en raison de l’interdiction des congrégations religieuses enseignantes et de la liquidation de leurs biens, l’ancienne propriété de Daguerre fut mise aux enchères. Adrien Mentienne en fit alors l’acquisition dans l’optique d’y fonder une œuvre de bienfaisance. En 1913, il en fit don à Société d’enseignement moderne, une société philanthropique fondée par le Parisien Léopold Bellan, qui venait de faire construire un complexe sportif sur le territoire communal.

Lorsque la Première Guerre Mondiale éclata, en 1914, Léopold Bellan, soucieux de l’avenir des milliers d’orphelins que la guerre avait causés, y fit aménager un orphelinat destiné à accueillir une trentaine de jeunes filles dont le père avait été tué au champ d’honneur. Ce nouvel établissement fut nommé orphelinat Mentienne en l’honneur du généreux donateur de la propriété. En 1918, le bâtiment fut agrandi.

La commune de Bry apporta son soutien à cette œuvre de bienfaisance en cédant un terrain communal mitoyen, où se trouvait le vieux presbytère en ruine. Léopold Bellan y fit construire en 1918 un second orphelinat grâce à un don d’un riche banquier new-yorkais, Jules Bache. On y accueillait de jeunes orphelines âgées de 3 à 8 ans qui étaient ensuite prises en charge à l’orphelinat Mentienne, jusqu’à leurs 13 ans.

Dans les années 1920, l’association Léopold Bellan acheta plusieurs terrains voisins. Elle confirma la vocation sociale de la propriété, en y faisant construire une « maison de repos pour la femme seule », qui ouvrit ses portes en 1926. Réservée aux institutrices en convalescence et aux jeunes femmes vivant seules, cette maison recevait une trentaine de pensionnaires qui trouvaient à Bry, pour 15 francs par jour, « logement, nourriture et repos ». En 1931, le bâtiment servait à la fois de maison de repos et de retraite. Vers la fin des années 1940, l’association Léopold Bellan installa un Institut médicopédagogique dans les trois bâtiments de la propriété. Pendant près de cinquante ans, jusqu’en 2010, le site a accueilli des enfants épileptiques.

Dans les années 1990, une partie du parc fut cédée à la Ville pour la construction de l’école communale Louis Daguerre, inaugurée en 1996. La Ville acquit le reste de la propriété en 2010 avec la participation financière du Conseil régional d’Île-de-France et du Conseil départemental du Val-de-Marne afin de sauvegarder ce riche patrimoine. En 2018, le Conseil régional a décerné à la propriété le label « Patrimoine d’intérêt régional ».